dimanche 9 février 2020

Macronavirus. L’outrage Covid-19 fait son entrée dans les prétoires, sans passer par la case Code pénal


La publication du présent papier était prévue pour l’automne 2020, à l’occasion d’une relance de la pétition pour en finir avec le délit d’outrage, douze ans après la première, en 2008. La recrudescence des poursuites ubuesques, par des flics qui se croient tout permis, pour outrage et rébellion, pendant la grande assignation à résidence consécutive à la pandémie de Covid-19, nous amènent à anticiper sa publication.

Petit historique, pour celles et ceux qui découvriraient ce qu’est l’ignominieux délit d’outrage.

30 décembre 2008. Une tribune initiée par 13 citoyens, dont Hervé Éon (poursuivi pour avoir brandi une pancarte Casse-toi pov’con devant le cortège de Sarkozy à Laval, condamné à une amende de 30 € avec sursis) et Romain Dunand, co-auteur avec ma pomme d’une Lettre au Garde des Sceaux pour dépénaliser le délit d’outrage, est publiée dans Libération [Pour la fin du délit d’outrage].
Novembre 2009. Alors que ce délit est abondamment utilisé par des préfets dans la répression sarkozyste du mouvement d’aide aux sans-papiers (Macron et Castaner n’ont rien inventé !), nous lançons, sur le site de la Ligue des droits de l’Homme, une pétition appelant à dépénaliser les délits d’outrage et d’offense au chef de l’État, qui recueillera 26.000 signatures et bénéficiera d’une grande médiatisation : Rue89, France Inter (Le Téléphone sonne), France Culture, France 2 (Envoyé Spécial), Ouest-France, Le Monde, Le Figaro, Libération, La Croix, Le Parisien, Les Inrocks, Le Nouvel Observateur, la plupart des grands hebdos et quotidiens régionaux. Jusqu’au prestigieux The Times, qui notait l'aberration de ce délit à la française, inexistant dans les pays anglo-saxons. Bien entendu,  ni la Chancellerie, ni l’Élysée, ni le ministère de l’Intérieur ne nous répondrons.
Angers, 4 février 2009, procès en appel d’Hervé Eon.
Cinq ans plus tard, la France supprimera le délit d’offense au chef de l’État

Juillet 2013. À la suite de la saisine par Hervé Éon de la CEDH, qui ordonna à la France de s’en défaire, le délit d’offense au président de la République est chassé du code pénal. Il n’en fut pas de même pour l’outrage, plus que jamais ancré dans les mauvaises habitudes des “forces de l’ordre” (s’apparentant de plus en plus à un ramassis de flics racistes et/ou décérébrés), et dont nous énumérions ici les 10 raisons de le dépénaliser.


Plus de délit d’offense au chef de l’État, donc.
Mais le délit d’outrage, officiellement destiné à protéger les représentants de l’autorité publique, et que l’avocat Thierry Levy, qui défendit Maria Vuillet dans son procès contre l’infâme sous-préfet Lacave aux heures noires de la Sarkozie, qualifiait d’obsolète, prospère, glissant vers une pente presque exclusivement politique. Instrument de répression du mouvement social, c’est donc un délit d’exception, purement politique, avec la plupart du temps comme point de départ des violences policières. Tout policier coupable de violences envers un manifestant (ou un passant) poursuit systématiquement sa victime pour outrage et, de plus en plus souvent, pour rébellion. 
Cet outil de basse police, destiné à réprimer les citoyens protestant contre la politique gouvernementale, a connu une utilisation accrue sous le quinquennat du pleutre Hollande (manifestations de 2017 contre la loi-Travail, généralisation du passage, début de l’interdiction de manifester).
Sous la présidence Macron, il a connu une recrudescence tous azimuths pendant la révolte des Gilets jaunes (novembre 2018 jusqu’au confinement de mars 2020) et les manifestations, sauvagement réprimées, contre le régime des retraites (2019-2020), sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur le plus répressif et liberticide qu’ait connu la France depuis la Libération, Christophe CastanerAvec l’arrivée à la préfecture de police de Paris du psychopathe Didier Lallement, en remplacement du préfet Delpuech, jugé trop timoré, un cap dans la brutalité a été franchi. À Paris et en province, les préfets, les commissaires, les magistrats se lâchent. Avec une sinistre mention pour Nantes la révoltée, où le préfet Claude d’Harcourt se surpasse, couvrant les innombrables exactions policières – y compris la répression sanglante de la fête de la musique, qui provoquera la mort de Steve Maïo Caniço, noyé dans la Loire.
Avec le confinement Covid-19, les choses ne se sont pas arrangées, bien au contraire, comme on le verra plus loin. Les flics (racistes, mais pas toujours) se lâchent. Le respect des lois est le cadet de leurs soucis. Ce qui les intéresse, c’est cogner. C’est, pour reprendre une formule à la mode, leur ADN.


La police n’hésite plus à passer le mur de l’ignominie, lorsqu’elle accuse en janvier 2020 Cédric Chouviat, ce livreur en scooter massacré par trois policiers lors d’un banal contrôle routier, et décédé, de les avoir outragés.
  Ajoutons que de plus en plus fréquemment, on assiste à un glissement vers le champ hors-la-loi : des personnes sont poursuivies par des parquets pour des faits qui, pénalement, ne relèvent pas du délit d’outrage (lequel est non public), mais de celui de l’injure publique ou de la diffamation, sont condamnées par des magistrats dont on se demande comment ils font pour dormir la nuit.
Avec le confinement Covid-19, les choses ne se sont pas arrangées, bien au contraire. Les flics (racistes, mais pas toujours) se lâchent. Le respect des lois est le cadet de leurs soucis. Le pouvoir fascisant de Macron ne peut plus les contenir. Ce qui les intéresse, c’est cogner. Pour reprendre une formule à la mode, c’est, en quelque sorte, leur ADN. Le gardien de la paix avec pèlerine et hirondelle n’est plus qu’un très très lointain souvenir. Ce qui fera dire à Maurice Rajsfus, historien de la police de Vichy et de celles d’après, comptable 30 ans durant des bavures policières, avant de passer le relais au journaliste David Dufresne : Je n’aime pas la police de mon pays.

Quelques cas de [pardonnez le néologisme] d’outrages Covid-19 parmi des dizaines d’autres. Des milliers, si on ajoute à cela les innombrables contraventions farfelues pour non-respect du confinement distribuées à la pelle par la police de Castaner.

Kevin Limousin, 30 ans, que le tabassage filmé, lors d'un contrôle d'attestation Covid-19 (alors qu’il changeait les bougies de sa voiture, en bas de chez lui) va conduire au tribunal pour outrage et rébellion.
Maré Ndiayeaide-soignante, poursuivie pour outrage pour avoir interpellé Macron lors de sa visite à l’hôpital de campagne de Mulhouse
Ramatouaye, 19 ans, tasée le 19 mars à Aubervilliers, en rentrant des courses car elle avait perdu son attestation, qui sera, elle aussi, poursuivie pour outrage et rébellion.
* À Marseille, une dame de 88 ans discute sur un banc avec sa fille venue lui rendre visite. Elles ont leurs autorisation. Un policier demande à la vieille dame de se lever. Sa fille prend sa défense. Outrage.
* À Toulouse, une femme est mise en garde à vue et poursuivie pour délit d’outrage. pour avoir déployé sur la façade de sa maison une banderole MACRONAVIRUS : À QUAND LA FIN ?

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