dimanche 24 janvier 2016

Rachide Boubala, outrages, rébellion, emmerdements : histoire d’une déshumanisation carcérale

Rachide Boubala n’a jamais tué personne, ni même versé une goutte de sang. Entré en prison à l’âge de 19 ans pour un simple braquage, il y est toujours 20 ans plus tard, et a connu 93 déménagements carcéraux.
Son crime ? S’être révolté, d’une façon obsessionnelle, avoir emmerdé (au propre et au figuré) les matons et l’administration pénitentiaire, s’être laisse broyer par l’engrenage. Ses délits ? Essentiellement des outrages (l’outrage coûte très cher lorsque l’on est détenu…), des injures, des actes de rebellion, des agressions de matons, des envois d’excréments… Et une condamnation très lourde (8 ans) pour une prise d’otage d’un gardien en décembre 2013 à la prison de Fresnay-sur-Sarthe. Initialement prévue en 1999, sa date de sortie est désormais fixée à 2037.
Le journal L’Envolée avait fait état du cas de ce prisonnier hors-normes. Voici maintenant un portrait saisissant paru sur le site FranceTVInfo.

samedi 23 janvier 2016

Le policier responsable de la mort d’Amine Bentounsi et qui avait été acquitté sera rejugé

Portrait de D. Saboundjian (croquis Elisabeth de Pourquery)
Damien Saboundjian, le policier responsable de la mort d’Amine Bentounsi et qui avait été acquitté sera rejugé, suite à l’appel du Parquet de Bobigny.
Lire sur le Courrier de l’Atlas.

vendredi 22 janvier 2016

Sarkozy regrette son "Casse-toi pov’con!" Historique de l'insulte qui a conduit à l’abrogation du délit d’offense au chef de l’État


Dans son livre "La France pour la vie", Nicolas Sarkozy déclare, à propos de l’insulte Casse-toi pov’con ! adressée à un homme dont on sait juste qu’il se prénomme Albert en février 2008 au salon de l’Agriculture : "Ce fut un erreur, car il avait le droit de penser ce qu’il disait, même s’il n’avait pas à me le dire ainsi. Mais en lui répondant, je me suis mis à son niveau. Ce fut une bêtise que je regrette encore aujourd'hui. En agissant ainsi, j'ai abaissé la fonction présidentielle."
C'est l'occasion de faire un rapide historique sur les "péripéties" qui ont conduit la France à abroger le délit d’offense au président de la République, en juillet 2013, grâce à l’un de cofondateurs du CODEDO, Hervé Eon, à son avocate Dominique Noguères et à… Nicolas Sarkozy.


23 février 2008. Salon de l'Agriculture. Nicolas Sarkozy lance à un visiteur qui refuse de lui serrer la main : « Casse-toi pov’ con! »
28 août 2008. Visite de Sarkozy à Laval. Hervé Éon brandit une pancarte CASSE-TOI POV’ CON!  Plainte du procureur de la République Alex Perrin. La justice le condamne à 30 € d’amende avec sursis. La cour d’appel d’Angers confirme le verdict. L’affaire est portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui demande à la France de fournir des explications pour septembre 2011. Cela conduira à l'abrogation, le 23 juillet 2013, du délit d’offense au chef de l’État.
Juillet 2008. Procès de Maria Vuillet (poursuivie pour outrage par le sous-préfet d’Ile-de-France, relaxée). Création du CODEDO (Collectif pour une dépénalisation du délit d’outrage). Lancement d’une pétition demandant la dépénalisation du délit d’outrage et l’abrogation du délit d’offense au président de la République.
19 novembre 2008. Le sénateur Jean-Luc Mélenchon dépose une proposition de loi visant à abroger le délit d’offense au président de la République.
3 juillet 2009Patrick Levieux, poursuivi (pour tapage diurne) pour avoir crié SARKOZY, JE TE VOIS ! dans la gare Saint-Charles de Marseille lors d’un contrôle d’identité « musclé », est relaxé par le tribunal. Il explique ici comment il a médiatisé son geste en utilisant les ficelles du « story-telling ».
UNE JUSTICE A GEOMETRIE VARIABLE
28 janvier 2010. À l’invitation d’un mystérieux Fernand Buron prétendant être le « pov’con » du salon de l’Agriculture, 10 personnes se retrouvent devant l’Élysée pour souhaiter l’anniversaire du président. L’un d’eux, Jean-Jacques Reboux, brandit une pancarte CASSE-TOI POV’CON ! et une autre SARKOZY JE TE VOIS TROP. Il est interpellé et mis en garde à vue pour outrage au président de la République. Le parquet classe l’affaire en août 2010, estimant que « l’examen de la procédure n’a pas permis de caractériser suffisamment l’infraction » (alors qu'il s'agissait exactement de la même infraction que Hervé Éon, constatée, qui plus est, sous les fenêtres de la présidence).

15 février 2010. Remise à l’Élysée, à la Chancellerie et au ministère de l’Intérieur d’une pétition, signée par 20.000 personnes, demandant  la dépénalisation du délit d’outrage et l’abrogation du délit d’offense au président de la République.
1er février 2011. Un professeur du lycée français du Caire manifestant son soutien au peuple égyptien avec une banderole CASSE-TOI POV’CON! est rapatrié en France à la demande du ministère des Affaires étrangères. Il ne sera pas poursuivi pour offense à chef d’État étranger, le délit ayant été abrogé en mars 2004.
14 février 2011. Undépêche de l’AFP annonce la parution de Casse-toi pov’ con!, le livre-interview du « pov’con » du salon de l’Agriculture, Fernand Buron. Une seconde dépêche affirmera le lendemain qu’il s’agit peut-être d’un canular (ce qui ne change strictement rien à la problématique et au sens profond de la démarche…).
LES POV’CONS SE REBIFFENT
19 février 2011. Salon de l'Agriculture de Paris. Un visiteur crie «Casse-toi pov’con! » à Nicolas Sarkozy, qui s’apprête à quitter le salon après avoir participé à une table ronde avec des syndicats agricoles. Interpellé par les services de sécurité, il est placé en garde à vue pendant 6 heures et convoqué devant le tribunal correctionnel de Paris en avril, pour outrage au président de la République.

23 février 2011. 55 personnes se réunissent à proximité de l’Élysée, avec l’autorisation de la préfecture de police, pour un apéro Casse-toi pov’con! [vidéo sur La Télé Libreen compagnie d’un homme qui prétend être Fernand Buron. Au cours de cette manifestation, des pancartes CASSE-TOI POV’CON! et SARKZOY DÉGAGE! sont brandies. Aucun des manifestants n’a été interpellé ni poursuivi. L’auteur du livrCasse-toi pov’conpas plus que son éditeur, n’ont à ce jour fait l’objet de poursuites pour offense au président de la République.
5 avril 2011. Procès du visiteur ayant crié Casse-toi pov’con ! à Sarkozy (relaxé en mai). Cette affaire n’a pas été médiatisée par le CODEDO, à la demande de l’intéressé qui craignait des mesures de rétorsion de la part du député-maire d’Étampes (ami de Sarkozy), recordman de France de l’absentéisme parlementaire Franck Marlin.
30 juin 2011. Lors d'une visite de Sarkozy à Brax (Lot-et-Garonne), Hermann Fuster déjoue la vigilance des services de sécurité et agresse physiquement le président. Il sera condamné à 6 mois de prison avec sursis.

23 juillet 2013. Le Parlement français abroge le délit d’offense au chef de l’État, suite à la plainte déposée par Hervé Eon auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme, qui exigera de la France qu’elle se débarrasse de ce délit.
LES "REGRETS" D’UN PRÉSIDENT (TRÈS) MAL ÉLEVÉ
25 janvier 2016Dans son livre "La France pour la vie", Nicolas Sarkozy déclare, à propos du Casse-toi pov’con !  : "Ce fut un erreur, car il avait le droit de penser ce qu’il disait, même s’il n’avait pas à me le dire ainsi. Mais en lui répondant, je me suis mis à son niveau. Ce fut une bêtise que je regrette encore aujourd'hui. En agissant ainsi, j'ai abaissé la fonction présidentielle."

samedi 16 janvier 2016

Acquittement pour le policier ayant tué d’une balle dans le dos Amine Bentounsi

Amine Bentounsi
La cour d’Assises de Bobigny a prononcé l’acquittement de Damien Saboundjian, le policier qui avait tué Amine Bentousni d'une balle dans le dos en avril 2012 (résumé ci-dessous). Alors que le déroulement du procès laissait espérer un verdict "juste" (un collègue de Saboundjian a avoué avoir menti pour protéger son collègue, ce qui infirmait la thèse de la légitime défense, et l’avocat général avait requis 5 ans de prison avec sursis),  l'annonce de ce verdict, rendu dans une salle comble, a provoqué l'indignation et la colère de la famille de la victime. Vidéo ici.
Abdellatif et Amal Bentounsi, père et sœur d'Amine
L’Humanité raconte comment, à la fin de l’audience, Amal Bentounsi, la sœur de la victime, qui s’est battue pour la tenue de ce procès, s’approche de l’avocat général, les larmes aux yeux : "Je voulais vous remercier, Monsieur, vous avez essayé…" Visiblement ému, celui-ci répond : "Je commençais à y croire, moi aussi. Je suis désolée, Madame." L’avocat général a annoncé qu’il allait demander au parquet de faire appel.
Le sentiment d’écœurement qui ressort de ce verdict est remarquablement résumé par le témoignage émouvant, sur sa page Facebook, de Nadir Dendoune, journaliste au Courrier de l’Atlas.
La réaction de l’avocat de la partie civile, Michel Konitzsur i.TELE.

mercredi 13 janvier 2016

Bobigny. Un policier avoue à la barre qu'il a menti pour couvrir son collègue Damien Saboundjian, qui prétend avoir tiré sur Amine Bentounsi en état de légitime défense

Le 12 avril 2012, Amine Bentounsi, en cavale, poursuivi par des policiers, était tué d’une balle dans le dos par un policier, Damien Saboundjian, qui comparaît depuis le 11 janvier devant la cour d’assises de Bobigny, répondant du chef d’accusation "d’avoir donné la mort sans intention de la donner". Le policier, comme toujours dans pareil cas, invoque la légitime défense. Les syndicats policiers, comme toujours – et en particulier le très droitier syndicat Alliance – viennent au secours de leur collègue, à coups de mensonges souvent grossiers.
Hier, alors que ce procès intervient dans un climat délétère, sur fond d’état d’urgence, de lois d’exception réduisant la liberté d'expression, et de pouvoirs toujours plus grands attribués aux policiers et leur attribuant systématiquement le bénéfice de la légitime défense,  il s’est pourtant passé quelque chose d’inédit lors de l’audience, qui pourrait bien constituer une date importante dans la trop longue histoire des violences policières impunies et la mansuétude de la justice vis-à-vis des policiers incriminés * et relancer le débat sur l’usage des armes par les forces de l’ordre. Hier, donc, mardi 12 janvier 2016, l’un des collègues du policier a craqué à la barre et a avoué qu’il avait menti pour couvrir son collègue, comme le relatent Le Parisien et Mediapart.

Il convient de rappeler que cela n’aurait sans doute pas été rendu possible sans le combat acharné d’Amal Bentounsi, la sœur d’Amine, au sein du collectif Urgence, notre police assassine en toute impunité, pour faire éclater la vérité sur cette énième mort par un membre des "forces de l’ordre", le plus souvent à caractère raciste. Amal Bentounsi, qui avait organisé le 31 octobre 2015 à Barbès, une marche des femmes contre les violences policières et le "racisme d’État", évoquait sur I.tele, un "homicide volontaire".
Amal Bentounsin, qui, dans l’entretien avec le site Les mots sont importants.net, conclut par ces mots : "Il faut créer un véritable rapport de forces. Les victimes de violences policières ont besoin d’être soutenues parce que l’injustice crée des monstres. Ce combat est une forme de thérapie : nous sommes presque d’utilité publique."

* On rappellera ici l’attitude fort magnanime envers les policiers violents de Mme Brigitte Lamy, procureure de la République de Nantes, qui classa sans suite la plainte de six manifestants gravement blessés par des policiers lors d’une manifestation contre l’aéroport Notre-Dame-des-Lances, en février 2014, mais qui, n’écoutant que son courage, n’hésita pas à poursuivre pour "injures publiques" un écrivain blogueur, co-fondateur du CODEDO, qui avait justement dénoncé cette attitude.

mardi 5 janvier 2016

Michel Ratombozafy, victime de violences policières, poursuivi pour outrage aux Sables d'Olonne : "Ce policier avait vraiment la haine dans les yeux »

La photo de son visage tuméfié et ensanglanté est impressionnante. Michel Ratombozafy dit être encore sous le choc de ce qui lui est arrivé dans la nuit de samedi à dimanche. Comme beaucoup de monde ce soir-là, le jeune homme de 19 ans se trouvait avec des amis dans un bar situé au port des Sables d’Olonne. Vers une heure du matin, un ami à lui est interpellé par une patrouille de police juste en face du bar… La suite de cette histoire, qui rappelle la terrible affaire Jérémie, qui se déroula en 2003 à Villepinte (Seine-Saint-Denis), est racontée par le Bondy Blog.
Michel Ratombozafy sera, comme de bien entendu, poursuivi pour outrage par des policiers qui sont allés jusqu’à appeler le domicile familial pour demander la suppression d’une page Facebook dans laquelle une amie de Michel lançait un appel à témoins, avec la photo du jeune homme ensanglanté, en le menaçant de l’embarquer une nouvelle fois…