Officiellement destiné à protéger les représentants de l’autorité publique, le délit d’outrage est utilisé pour COUVRIR LES VIOLENCES POLICIÈRES et RÉPRIMER les citoyens qui protestent contre la politique gouvernementale, avec une utilisation renforcée sous la présidence Macron, contre le mouvement des Gilets jaunes, notamment. C’est donc un délit d’exception, purement politique, dont nous demandons la dépénalisation.
"Le 27 novembre 2007, j'étais très gravement blessé à l’œil par un tir de Lanceur de Balles de Défense – LBD 40 – lors d'une manifestation lycéenne, à l'age de 16 ans. Cela fait 9 ans, presque jour pour jour, que je me bats pour faire reconnaître la dangerosité de cette arme, et que je lutte contre l'impunité policière. 9 ans durant lesquelles les mutilations causées par les armes de la police se sont multipliées. Nous recensons aujourd'hui 44 personnes ayant perdu l'usage d'un œil après avoir été atteintes par des balles en caoutchouc, dont 5 blessés graves à Nantes. Le jugement du Tribunal Administratif de Nantes vient d'être rendu. On peut en retenir trois éléments importants :
1- L’État est condamné et la dangerosité du LBD40 est reconnue par la justice. C'est l'information la plus importante pour aujourd'hui. Lors de l'audience rapporteur public avait très précisément dénoncé le caractère expérimental du LBD 40 le 27 novembre 2007, ainsi que son extrême dangerosité susceptible d'engendrer des mutilations. Les juges ont confirmé cette analyse.
2- En revanche, les juges de Nantes ont décidé de ne pas suivre le rapporteur public en opérant un partage de responsabilité à 50%, comme si les blessés et ceux qui leur ont tiré dessus était également responsables de leur préjudice. C'est la deuxième fois en deux semaines que les juges administratifs de Nantes désavouent le rapporteur public – ce qui, en temps normal, est rarissime. La première fois sur le sujet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes et aujourd'hui sur la question des armes de la police. Deux sujets regardés avec attention par le pouvoir politique. Concrètement, dans leur jugement, les juges inventent un délit de « non désolidarisation d'une manifestation » en ces termes : « en admettant même que M. Douillard n’ait pas lui- même lancé des projectiles, il résulte de l’instruction qu’il ne s’est pas désolidarisé de l’attroupement [...] alors qu’il aurait dû s’éloigner ; que, dans ces conditions, M. Douillard doit être regardé comme ayant commis une faute à l’origine de son préjudice susceptible d’exonérer partiellement l’Etat de sa responsabilité. »
Il ne s'agit plus de droit mais bien d'une présomption de culpabilité des victimes de violences policières, et de fait, d'une remise en cause extrêmement préoccupante du droit de manifester.
3- Les réparations sont évidemment dérisoires. En 2012, le préfet de Nantes, par courrier confidentiel, me proposait près de 100.000 € contre un abandon de toutes les poursuites engagées. J'ai refusé cette arrangement, et choisi d'aller au bout des procédures entamées en justice, pour mettre en lumière la dangerosité du LBD40. Aujourd'hui, c'est finalement une somme bien inférieure qui est proposée par le Tribunal Administratif. Dans tous les cas, aucune somme d'argent ne remplace la perte d'un œil. Nous sommes à présent des dizaines de personnes en France à vivre avec des séquelles permanentes causées par la police, à subir ce préjudice jour après jour.
Ce jugement du TA de Nantes tombe dans une période particulière, où la mairie de Nantes a décidé à son tour de doter sa police municipale de Lanceurs de Balles de Défense. Un choix extrêmement grave qui confirme le processus de militarisation de la police et l'escalade sécuritaire observés ces dernières années, au niveau national et local."
Le tribunal administratif de Nantes a condamné l’État à verser 48.000 € à Pierre Douillard, victime d’un tir de LBD 40 (lanceur de balles de défense) en 2007, lors d’une manifestation contre la loi Pécresse à Nantes, qui lui avait crevé un œil. Neuf ans après les faits, les juges ont suivi le rapporteur public du tri-bunal administratif, qui reconnaissait la responsabilité de l’État dans cette affaire.
Pierre Douillard envisage de faire appel de cette décision, car malgré la sanction à l'encontre de l’État, les juges estiment que le lycéen a commis un préjudice et le rendent responsable à 50% des faits, à part égale avec le policier. Le policier responsable du tir avait été relaxé à l’issue de son procès à Nantes en 2012, puis relaxé en appel à Rennes en 2013.
Dans une interview à France Bleu, Pierre Douillard rappelle qu’en 2012, le préfet de Loire-Atlantique lui avait envoyé un courrier confidentiel, dans lequel il proposait 100.000 € contre un aban-don total des poursuites. Pierre et son avocat avaient refusé cet arrangement pour aller jusqu’au bout et mettre en lumière la dangerosité de l’arme.
Pierre Douillard est l’auteur d’une essai remarqua-ble, La larme à l’œil (éditions Le Bord de l’eau). En mai 2016, il déclarait à Nicolas de la Casinière sur Reporterre : "La doctrine du maintien de l’ordre a changé. L’objectif est maintenant de frapper les corps."
Le jeune homme ayant crié "Casse-toi pov‘con !" à Emmanuel Macron lors de sa visite à Laval le 25 juillet 2016 comparaît devant le TGI de Laval le 6 décembre. La plainte pour outrage n’émane pas de l’ancien ministre, mais du procureur de la République de Laval, Guirec Le Bras. Cette affaire intervient huit ans après qu’un autre procureur de Laval, Alex Perrin, ait porté plainte contre Hervé Éon, avec le succès que l’on sait… Lire le résumé de cette affaire.
L’affaire Adama Traoré démarre le 19 juillet, lorsque le jeune homme de 24 ans meurt étouffé,
suite à son interpellation par les gendarmes de Beaumont-sur-Oise, dans des
conditions racontées par Lassana Traoré, l’un des frères d’Adama sur le site Quartiers Libres.
Comme
le souligne Le Monde, l'arrestation, le 24 novembre, de deux frères de la
victime, pour outrage (tiens, tiens !), rébellion et menaces de mort sur les forces de l’ordre, suivie de leur
incarcération, ont installé un climat délétère à Beaumont-sur-Oise. Et donné un
tour inquiétant à cette affaire, dans une république française se muant chaque
jour un peu plus en un État policier – facilité par l’arbitraire parfois ubuesque
de l’état d’urgence.
Retour sur un mensonge
d’État
Adama Traoré, tué par des gendarmes le jour de ses 24 ans
Dès
le départ, le procu-reur de la République de Pontoise Yves Jannin assure
que l’autopsie a conclu à une "infection respiratoire". Deux autres
rapports d’autopsie infirment cette hypothèse qui n’est rien d’autre qu’un
mensonge d’État et rétablissent la vérité. Adama Traoré est mort suite à un
"syndrome asphyxique". Auditionnés, les gendarmes ont
reconnu que Traoré avait pris "le poids de leurs corps à tous les
trois". À la suite de quoi le procureur Jannin est muté à Paris.
La
famille d’Adama Traoré et ses proches lancent alors une grande campagne réclamant
Justice pour Adama. Plusieurs manifestations ont lieu, à Beaumont-sur-Oise puis
à Paris, à deux reprises (la première étant interdite, la seconde autorisée).
Les vidéos sont ici.
Évoquant
l’absence de compassion de la maire de Beaumont-sur-Oise Nathalie Groux vis-à-vis de la
famille Traoré, Assa, la sœur d’Adama, déclare à Mouloud Achour sur
Canal + : "Nous sommes des habitants de Beaumont depuis presque 30
ans, mais nous avons été traités comme des inconnus. Nous n’avons toujours pas
eu de condoléances, nous avons des bâtons dans les roues depuis le début, dès
qu’on veut mettre quelque chose en place. Donc la maire a choisi son camp et de
quel côté elle se met, du côté des gendarmes. Ce qui veut dire du côté de la
violence policière."
Lors de cette émission, Assa Traoré ne manque pas de rappeler que le seul homme politique ayant apporté sa sympathie à sa famille est… le président de la République du Mali. Le président Hollande restant désespérément silencieux. Ce qui ne surprendra personne, au regard de la façon dont ce monsieur et son ami le préfet de police de Paris ont couvert les terribles violences policières lors des mani-festations du printemps 2016. Quant à la "classe politique française", c’est le néant total. À part un "tweet fugace" de Mélenchon, ajoute la sœur d’Adama.
Cette compassion à
géométrie variable est relevée par le site Buzzfeed, qui rappelle certaines
sympathies troublantes de madame la maire UDI de Beaumont-sur-Oise, Nathalie Groux, sur sa page Facebook
(fermée depuis). D’un côté, les "citoyens de souche" et les "pauvres policiers sans recours…" De l’autre…
Les propos de la sœur
d’Adama ne sont pas du goût de Nathalie Groux qui, n’écoutant que son courage,
poursuit Assa Traoré en diffamation. Et décide de faire adopter par le conseil
municipal de Beaumont-sur-Oise une délibération autorisant la commune de Beaumont-sur-Oise à prendre
en charge ses frais personnels de justice, à concurrence de 10.000 €.
Les
proches et la famille d’Adama, outrés, protestent contre cette décision
scandaleuse (faire financer le dépôt d’une plainte contre un habitant de la commune par de l’argent public) et
sont refoulés de la salle du conseil municipal (alors que tout citoyen a le
droit d’assister au conseil municipal de sa commune), qui est ajourné.
L’acharnement du parquet de
Pontoise
Une
deuxième réunion du con-seil municipal a lieu quelques jours plus tard, le 23
novembre. Nou-velle manifestation des soutiens d’Adama Traoré, violemment
dispersés par une charge de 90 gendarmes, au cours de laquelle les frères d’Adama
et Assa, Bagui, 25 ans et Youssouf, 22 ans, sont interpellés, mis en garde à
vue pour outrage. Ils sont alors incarcérés jusqu’au 14 décembre 2016, date de
leur procès, après que leur avocat eût demandé le report de leur comparution
immédiate. Pour "éviter qu'ils ne fassent pression sur d’autres
témoins" [sic]. Le parquet de Pontoise, qui n’est plus dirigé par Yves Jannin, profite de l'occasion pour demander
l’exécution d’une condamnation de six mois pour des faits antérieurs à l’encontre
de Bangui Traoré.
Plus
tard dans la soirée, des incidents éclatent. Un bus est brûlé par des individus
cagoulés. L’incendie se propage à des voitures. La préfecture envoie les
gendarmes mobiles, mais, les pompiers refusant d’intervenir, ce sont les
habitants du quartier qui éteindront les flammes.
"Dis à ta sœur qu’elle
fait trop de bruit !"
Lors
d’une conférence de presse, Assa Traoré assure qu’il s’agissait d’une "expédition punitive" lancée par les gendarmes. "On
avait une cinquantaine de gendarmes devant nous et ils ont dit :
"chargez", ils ont tabassé, humilié les jeunes, ils étaient sur les
toits avec les flash-balls, c’était horrible à voir", ajoute-t-elle,
affirmant qu’elle "aurait pu y passer." Un policier, interrogé
par Bagui Traoré, révolté d’être arrêté et incarcéré alors qu’il ne s’est livré
à aucune violence et n’a fait que réclamer justice pour son frère, s’entendra
répondre : "Dis à ta sœur qu’elle
fait trop de bruit !"
Une tentative de criminalisation de la famille Traoré
Le
25 novembre, le ministre de l’Intérieur, recevant Nathalie Gréoux place Beau-vau pour
l’assurer de son entier soutien, appelle au calme, ajoutant que des forces de police resteront stationnées à Beaumont-sur-Oise. La famille, qui, elle, n’a
pas été reçue par Bernard Cazeneuve, dénonce la "tentative de
criminalisation de sa famille et du combat qu’elle mène pour que justice soit
faite".
Il
faut dire que cette affaire arrive à un moment particulièrement délicat pour le
pouvoir !
Quelques
semaines après les manifestations nocturnes (interdites) de policiers
consécutives à l’agression de leurs collègues à Viry-Châtillon.
Quelques
jours après le réquisitoire du procureur de la République à l’encontre des
trois policiers ayant blessé plusieurs personnes le 8 juillet 2009 à Montreuil
(dont Joachim Gatti, qui eut un œil crevé), à l’issue du procès qui vient de se
tenir pendant cinq jours devant la cour d’Assises de Bobigny, a ranimé les
rancœurs dans les rangs de la police, qui ont de nouveau manifesté sur les
Champs-Élysées dans la nuit du 24 au 25 novembre.
Le
même Bernard Cazeneuve ayant déposé, on le sait, un projet de loi visant à
instituer la présomption de légitime défense pour les policiers qui ferait des
policiers des citoyens (encore plus) au-dessus des lois qu’ils ne le sont
actuellement et reviendrait à inscrire dans la loi un véritable permis de tuer.
Ce projet de loi sera examiné par le conseil des ministres le 21 décembre.
Une
semaine après le procès des frères Traoré devant le TGI de Pontoise, le 14
décembre.
Cinq
jours après le délibéré du procès du flash-ball de Bobigny. (Dans sa réqui-sition, le procureur a demandé des peines de prison avec sursis contre les fonctionnaires de police.)
Pour soutenir financièrement la famille Traoré
Comme on peut s’en
douter, l'acharnement du parquet de Pontoise et de la maire de
Beaumont-sur-Oise va coûter beaucoup d’argent à la famille Traoré. C’est
pour-quoi, à l’initiative d’une ancienne employeuse d’Adama, une cagnotte est mise à la disposition de celles et ceux qui
souhaiteraient les aider à payer les frais judiciaires, frais d’expertise, etc.