Dans son livre "La France pour la vie", Nicolas Sarkozy déclare, à propos de l’insulte Casse-toi pov’con ! adressée à un homme dont on sait juste qu’il se prénomme Albert en février 2008 au salon de l’Agriculture : "Ce fut un erreur, car il avait le droit de penser ce qu’il disait, même s’il n’avait pas à me le dire ainsi. Mais en lui répondant, je me suis mis à son niveau. Ce fut une bêtise que je regrette encore aujourd'hui. En agissant ainsi, j'ai abaissé la fonction présidentielle."
C'est l'occasion de faire un rapide historique sur les "péripéties" qui ont conduit la France à abroger le délit d’offense au président de la République, en juillet 2013, grâce à l’un de cofondateurs du CODEDO, Hervé Eon, à son avocate Dominique Noguères et à… Nicolas Sarkozy.
23 février 2008. Salon de l'Agriculture. Nicolas Sarkozy lance à un visiteur qui refuse de lui serrer la main : « Casse-toi pov’ con! »
28 août 2008. Visite de Sarkozy à Laval. Hervé Éon brandit une pancarte CASSE-TOI POV’ CON! Plainte du procureur de la République Alex Perrin. La justice le condamne à 30 € d’amende avec sursis. La cour d’appel d’Angers confirme le verdict. L’affaire est portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui demande à la France de fournir des explications pour septembre 2011. Cela conduira à l'abrogation, le 23 juillet 2013, du délit d’offense au chef de l’État.
Juillet 2008. Procès de Maria Vuillet (poursuivie pour outrage par le sous-préfet d’Ile-de-France, relaxée). Création du CODEDO (Collectif pour une dépénalisation du délit d’outrage). Lancement d’une pétition demandant la dépénalisation du délit d’outrage et l’abrogation du délit d’offense au président de la République.
19 novembre 2008. Le sénateur Jean-Luc Mélenchon dépose une proposition de loi visant à abroger le délit d’offense au président de la République.
3 juillet 2009. Patrick Levieux, poursuivi (pour tapage diurne) pour avoir crié SARKOZY, JE TE VOIS ! dans la gare Saint-Charles de Marseille lors d’un contrôle d’identité « musclé », est relaxé par le tribunal. Il explique ici comment il a médiatisé son geste en utilisant les ficelles du « story-telling ».
UNE JUSTICE A GEOMETRIE VARIABLE
28 janvier 2010. À l’invitation d’un mystérieux Fernand Buron prétendant être le « pov’con » du salon de l’Agriculture, 10 personnes se retrouvent devant l’Élysée pour souhaiter l’anniversaire du président. L’un d’eux, Jean-Jacques Reboux, brandit une pancarte CASSE-TOI POV’CON ! et une autre SARKOZY JE TE VOIS TROP. Il est interpellé et mis en garde à vue pour outrage au président de la République. Le parquet classe l’affaire en août 2010, estimant que « l’examen de la procédure n’a pas permis de caractériser suffisamment l’infraction » (alors qu'il s'agissait exactement de la même infraction que Hervé Éon, constatée, qui plus est, sous les fenêtres de la présidence).
15 février 2010. Remise à l’Élysée, à la Chancellerie et au ministère de l’Intérieur d’une pétition, signée par 20.000 personnes, demandant la dépénalisation du délit d’outrage et l’abrogation du délit d’offense au président de la République.
1er février 2011. Un professeur du lycée français du Caire manifestant son soutien au peuple égyptien avec une banderole CASSE-TOI POV’CON! est rapatrié en France à la demande du ministère des Affaires étrangères. Il ne sera pas poursuivi pour offense à chef d’État étranger, le délit ayant été abrogé en mars 2004.
14 février 2011. Une dépêche de l’AFP annonce la parution de Casse-toi pov’ con!, le livre-interview du « pov’con » du salon de l’Agriculture, Fernand Buron. Une seconde dépêche affirmera le lendemain qu’il s’agit peut-être d’un canular (ce qui ne change strictement rien à la problématique et au sens profond de la démarche…).
LES POV’CONS SE REBIFFENT
19 février 2011. Salon de l'Agriculture de Paris. Un visiteur crie «Casse-toi pov’con! » à Nicolas Sarkozy, qui s’apprête à quitter le salon après avoir participé à une table ronde avec des syndicats agricoles. Interpellé par les services de sécurité, il est placé en garde à vue pendant 6 heures et convoqué devant le tribunal correctionnel de Paris en avril, pour outrage au président de la République.
23 février 2011. 55 personnes se réunissent à proximité de l’Élysée, avec l’autorisation de la préfecture de police, pour un apéro Casse-toi pov’con! [vidéo sur La Télé Libre] en compagnie d’un homme qui prétend être Fernand Buron. Au cours de cette manifestation, des pancartes CASSE-TOI POV’CON! et SARKZOY DÉGAGE! sont brandies. Aucun des manifestants n’a été interpellé ni poursuivi. L’auteur du livre Casse-toi pov’con, pas plus que son éditeur, n’ont à ce jour fait l’objet de poursuites pour offense au président de la République.
5 avril 2011. Procès du visiteur ayant crié Casse-toi pov’con ! à Sarkozy (relaxé en mai). Cette affaire n’a pas été médiatisée par le CODEDO, à la demande de l’intéressé qui craignait des mesures de rétorsion de la part du député-maire d’Étampes (ami de Sarkozy), recordman de France de l’absentéisme parlementaire Franck Marlin.
30 juin 2011. Lors d'une visite de Sarkozy à Brax (Lot-et-Garonne), Hermann Fuster déjoue la vigilance des services de sécurité et agresse physiquement le président. Il sera condamné à 6 mois de prison avec sursis.
23 juillet 2013. Le Parlement français abroge le délit d’offense au chef de l’État, suite à la plainte déposée par Hervé Eon auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme, qui exigera de la France qu’elle se débarrasse de ce délit.
LES "REGRETS" D’UN PRÉSIDENT (TRÈS) MAL ÉLEVÉ
25 janvier 2016. Dans son livre "La France pour la vie", Nicolas Sarkozy déclare, à propos du Casse-toi pov’con ! : "Ce fut un erreur, car il avait le droit de penser ce qu’il disait, même s’il n’avait pas à me le dire ainsi. Mais en lui répondant, je me suis mis à son niveau. Ce fut une bêtise que je regrette encore aujourd'hui. En agissant ainsi, j'ai abaissé la fonction présidentielle."