D’UN POINT DE VUE JURIDIQUE
1) L’injure à un représentant de l’autorité publique ne devrait pas être punie plus sévérement que l’injure à n’importe quel citoyen.
Qu’est-ce qu'un outrage ? Un outrage est une injure non publique dont la particularité réside dans le fait qu'elle est adressée à une personne dépositaire de l’autorité publique. S'il paraît logique que l'Etat protège ses fonctionnaires, il y a une incroyable disproportion entre la répression de l’injure faite à la personne dépositaire de l'autorité publique (passible de 7.500 € d'amende et de 6 mois de prison, art. 433-5 du CP) et la répression de l'injure à n'importe quel citoyen (passible d'une simple amende prévue pour les contraventions de 1e classe de 38 €, art. 621-2 du CP).
Si l’outrage n'est qu’une injure faite à la personne (c'est presque toujours le cas), il doit devenir une simple contravention punie d'une amende minime. Dans les plaintes pour outrage, c'est l'institution que la loi entend protéger, non la personne, qui passe au second plan. L'outrage est d'ailleurs répertorié dans le chapitre du Code pénal consacré aux atteintes à l'administration publique.
* La dépénalisation du délit d’outrage n’empêcherait nullement un professeur, un inspecteur du travail ou un policier injurié de porter plainte contre une personne dans le cadre de son travail.
2) L’outrage constitue une rupture d’égalité entre citoyens,
en contradiction avec l'article 1 de la Constitution, stipulant que "La République assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine."
Or, en cas de plainte pour abus d'autorité d'un simple citoyen contre un représentant de l'autorité publique [art. 432 du Code pénal réprimant les atteintes à la liberté individuelle], on sait bien que la plupart des plaignants sont systématiquement déboutés.
3) Une aberration de droit : l’agent constatateur est en même temps la "victime".
Devant un tribunal, c'est parole contre parole. Celle du fonctionnaire assermenté contre celle du citoyen lambda. Se pose donc le problème de la preuve. Et l'on sait que la balance de la Justice penche presque toujours du côté du fonctionnaire assermenté (alors que théoriquement, le rôle du Parquet est de contrôler l'action de la police).
4) Le délit d’outrage constitue un exception française.
Dans de nombreux pays, il a été dépénalisé. (Grande-Bretagne, Italie, Etats-Unis, Argentine, Pérou, Paraguay, etc). Lire à ce sujet l'article du Times paru le 21 juillet 2008 (repris par Courrier International), dans lequel Adam Sage s'étonne de cette "particularité française".
D’UN POINT DE VUE DEONTOLOGIQUE : DES DÉRIVES INTOLÉRABLES ET INQUIÉTANTES
5) L’outrage est souvent utilisé par les policiers (très peu par les gendarmes) pour couvrir les violences policières.
(L'individu nous a agressés, nous avons été bien obligés de nous défendre…) Lire ici ce qui arriva à Patrick Mohr à Avignon le 24 juillet 2008.
6) L’outrage est utilisé à des fins mercantiles par des policiers qui arrondissent leurs fins de mois en se portant partie civile.
De plus en plus de policiers demandent 100 € ou 150 € de dommages-intérêts (tout en ne prenant même pas la peine de se rendre au procès), leurs frais de justice étant pris en charge par l’État. Ces abus ont été dénoncés par un rapport très officiel de l’IGA (Inspection générale de l'administration), début 2014.
7) L’outrage est une infraction pratique pour faire grimper le taux d’élucidation des infractions.
En France, les policiers sont soumis à des politiques de résultat drastiques (notamment depuis le passage de Sarkozy à l'Intérieur) et à la nécessité de "faire du chiffre". Quand on sait que dans les affaires d'outrage le taux d'élucidation atteint 99,42% (0,58% des personnes poursuivies relaxées), on comprend tout l'intérêt pour un policier de déposer une plainte pour outrage. On aurait néanmoins tort de croire que tous les policiers acceptent cet état de fait, comme on pourra le voir sur le site Regardeavue. Le cas de Jean-Pierre Havrin, commissaire de police de Toulouse viré en 2004 par le ministre Sarkozy, est aussi très éloquent.
D’UN POINT DE VUE POLITIQUE
8) L’outrage participe à une pénalisation des rapports sociaux.
Ce n'est pas nous qui le disons, mais la secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, Hélène Franco. Commentant l'inflation des poursuites pour outrage (+80% en dix ans), cette magistrate évoque dans Libération du 19 septembre 2008 (L'outrage, un succès fou) une "tendance à la pénalisation des rapports sociaux". On peut en dire autant du délit de rébellion, qui accompagne souvent le délit d'outrage, notamment auprès des "jeunes des cités".
9) L’outrage constitue une atteinte flagrante à la liberté d’expression.
Comme on le vit dans les procès de Romain Dunand et de Maria Vuillet, le pouvoir utilise les plaintes pour outrage (mais aussi pour offense au président de la République, comme dans le procès d'Hervé Eon) à cette seule fin. Se pose donc ici le problème du respect des libertés dans la République.
* Ces "pratiques" ne sont, peu ou prou, plus en cours depuis l’élection de F. Hollande, tout au moins dans le cas des luttes sociales et politiques. Rappelons par ailleurs que M. Sarkozy fut le seul président de la Ve République à avoir porté plainte contre un citoyen depuis Charles de Gaulle, qui l'avait fait à plusieurs reprises, dans des circonstances il est vrai politiquement "troubles" (guerre d'Algérie) et Georges Pompidou (une fois).
* Ces "pratiques" ne sont, peu ou prou, plus en cours depuis l’élection de F. Hollande, tout au moins dans le cas des luttes sociales et politiques. Rappelons par ailleurs que M. Sarkozy fut le seul président de la Ve République à avoir porté plainte contre un citoyen depuis Charles de Gaulle, qui l'avait fait à plusieurs reprises, dans des circonstances il est vrai politiquement "troubles" (guerre d'Algérie) et Georges Pompidou (une fois).
D’UN POINT DE VUE PHILOSOPHIQUE
10) Ainsi que l’exposa brillamment Me Thierry Lévy dans sa plaidoirie lors du procès de Maria Vuillet, comment peut-on encore poursuivre un citoyen pour outrage dans un pays où le président de la République [N. Sarkozy] utilise un langage de charretier et ne se prive pas d’injurier les citoyens? (Cette 10e raison n’est plus de mise depuis l’élection de F. Hollande.)
* A ceux qui nous accuseraient d’être de DANGEREUX UTOPISTES, rappelons, parmi la liste des délits "chassés" du Code pénal : l’outrage envers les cultes reconnus par l'Etat, l’offense à la morale religieuse, l’outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs, et plus près de nous, l’avortement, l’adultère, l’homosexualité, l’outrage aux mœurs par la voie du livre et, tout récemment (25 juillet 2013), après l’affaire Hervé Éon, le délit d'offense au chef de l’État…
18 commentaires:
100% avec vous !
je mets un lien chez moi
empiremilieu.canalblog
Pas d'accord avec vous!!!!!!!
Ou bien on reste poli sinon on paie.
Complètement contre cette action, l'Etat doit être respecté. Que ses actions soit bonnes ou non, cela ne donne pas droit à des insultes ou autres. Et les fonctionnaires qui exercent leur métier ont droit a un minimum de respect, qu'ils soient politiciens, policiers ou autre.
A fond , on y va tous ensemble contre le diktat du pouvoir centralisé
Totalement contre votre pétition. Aucune des "10 raisons" ne m'a convaincu; pire elles m'ont toutes semblé partisanes, démagogiques ou au mieux utopistes...
Ce qu'ont pu faire les autres, en la matière, a une importance toute relative; quand bien même serions-nous les seuls a avoir le délit d'outrage, cela ne prouve pas que nous ayons tort.
Qu'un de vos élèves, de vos clients, de vos administrés, vous crache dans la gueule et nous en reparlerons.
Bravo a vous pour votre blog.
Marre du pouvoir qui se croit tout permis pendant que nous citoyens de secondes zones, nous n'avons qu'une seule chose a faire : "se taire ou payer! Voir de la prison pour les moins lotis."
Bien a vous camawades !
On ne cherche pas à punir l'injure envers un citoyen mais celle envers une fonction. Envers l'état, donc envers la démocratie qui le forme.
Cette pétition me paraît être un petit passe temps pour contestataires chroniques alliés à des frustrés qui ne savent pas respecter les lois.
Il faut rappeler que l'injure est déjà punie par la loi - cela vaut pour tous les citoyens.
C'est bien suffisant pour prévenir les attitudes irrespectueuses envers les représentants de l'ordre.
On ne peut pas, sous prétexte de respect (à sens unique ?), contrevenir au principe républicain de l'égalité de droit.
On rêve, si je vous suis je peu donc vous traiter de tout les noms d'oiseaux que je veux...
vous allez pas déposer plainte quand même ?
bande de : corbeaux, Grue, faucon ou le contraire, échassier bancale, Petite queue de pie
et j'en passe...
moi je vais créer le COllectif pour SUPprimer d'Internet les SItes DEmagos et inutiles (COSUPISIDE). Sincèrement, votre initiative est absurde voire dangereuse. A quand la loi pour armer les citoyens comme les policiers et les gendarmes sous couvert de l'égalité? RIDICULE!!!!!
Casse toi pôv con tu ne diras point, selon que tu seras puissant ou misérable... C'est cela la justice et l'application soi-disant uniforme de la loi ?
Pour une gauche de combat !
http://gauchedecombat.wordpress.com/
mince !
Je tombe ici avec "l'affaire" SNCF, pour lire ce petit texte un peu court d'ailleurs. Surprise.
Et incohérence : tout le monde est d'accord en fait... Puisque l'outrage relevé à leur encontre par les acteurs judiciaires repris dans le code pénal (art 16 et suivants) concerne bien la FOCNTION et non la PERSONNE.
Que nous discutions de la nécessité d'indemniser la PERSONNE je ne dis pas,
mais vous n'en parlez même pas !!!
Tout ce qui compte est virer le délit d'outrage ? Je ne pense pas qu'il y ait en France un seul agent judiciaire (police, gendarmeire, Garde chasse, contrôleur etc...) qui soit épris de l'envie de se faire insulter gratuitement...
Car une fois insultée sa FONCTION, le contrevenant (oui c'est une contravention je le rappelle l'insulte) ne peut pas être verbalisé puisque l'infraction concerne la PERSONNE !!!
donc incohérence.
et toc !
Avec vous dans votre combat !
Très bon texte, clair et précis,
C'est dingue qu'au 21ème siècle ce délit existe encore.
Tout à fait d'accord avec votre pétition : le soi-disant délit d'outrage est une entrave grave à la liberté d'expression, qui devrait être une règle dans le soi-disant "pays des droits de l'homme".
Vivement qu'un député "frondeur" prenne cette cause à coeur et la plaide à l'assemblée, dans l'espoir qu'elle sera votée.
Quelle belle initiative !!!... Protéger les délinquants et retirer les droits des victimes...
Tant qu'on n'y est, on a qu'à revenir au niveau judiciaire de la préhistoire où c'est la loi du plus fort qui règne.
PS : Vous omettez d'indiquer (malhonnêtement bien sûr) que l'outrage existe aussi sur une personne chargée d'une mission de service public... appellation à prendre au sens large du terme ce qui regroupe le personnel médical, les enseignants, les chauffeurs de véhicules de transport en commun, les pompiers, les facteurs, etc, etc...
Il faut savoir que la plupart de ces personnes, par manque d'information, ne savent pas qu'elles peuvent déposer plainte pour outrage...
Si ces plaintes étaient systématiquement déposées, le nombre d'outrages serait multiplié par 10 ou par 20 aisément...
Il serait donc bon que cela cesse... payer des impôts ne donne pas le droit d'injurier les personnes chargées d'une mission de service public... et il serait donc préférable que les sanctions soient plus sévères pour dissuader les auteurs de ce genre de choses
Je suis à 100% d’accord avec vous. Au nom de l’égalité des citoyens devant la loi, le délit d’outrage ne devrait plus exister !
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