Maurice Rajsfus nous a quittés, mais son combat continue, plus que jamais ! Philippe Rajsfus (l’un de ses deux enfants) publie une Chronique irrégulière des jours de macronavirus, dans lequel il porte haut la mémoire et les combats de son père.
Voici la chronique n°3.
Maurice Rajsfus avait le sens de la synthèse et de la formule. Il a écrit ces trois phrases concernant la possibilité pour n’importe quel citoyen de ce pays, de croiser le chemin de policiers peu enclins à engager le dialogue. Je le cite :
« Si tu leur réponds, il y a outrage. Si tu résistes, il y a rébellion. Si tu prends la foule à témoin, il y a incitation à l’émeute. »
Maurice a bénéficié, très tôt, à l’âge de 14 ans, des bons soins de la police française venu l’arrêter, ainsi que toute sa famille, lors de la rafle du 16 juillet 1942 au nom de lois raciales édictées par l’occupant nazi.
L’un des deux policiers ayant participé à cette saloperie était un voisin de palier de la famille. Maurice et sa sœur ont été libérés le soir même, mais ses parents ont été déportés à Auschwitz et y ont été assassinés, après être passés par Drancy, camp alors contrôlé et surveillé par la gendarmerie française. Voilà un démarrage dans l’existence qui ne porte pas à considérer la police comme une institution garante des libertés individuelles et de la démocratie.
Du coup, quand nous apprenons par la presse, il y a quelques semaines, que le préfet de police de Paris, Didier Lallement, a écrit, dans une adresse à ses troupes, qu’il ne laissera pas «salir la police», nous étions tous scandalisés par cette affirmation martiale. Comme si la police était faite d’une sorte de tissu anti tâche qu’il suffirait de laver à grande eau pour y faire disparaître tous ses méfaits.
Dans la réalité, les différents corps de police et de répression sont faits d’une étoffe auto-salissante. Et le préfet Lallement est bien placé pour le savoir lui qui a été placé à son poste par un gouvernement aux abois en raison de la mobilisation des Gilets Jaunes. Ce monsieur s’est même permis de convoquer la mémoire du général Galliffet, grand massacreur de centaines et centaines de Parisiens lors de la Semaine sanglante qui mit fin à la belle expérience démocratique et sociale de la Commune de Paris au printemps 1871.
Revenons à cette étoffe auto-salissante qui n’a cessé de se charger depuis plus de 80 ans. Faut-il rappeler au préfet Lallement l’attitude de la police française qui se met immédiatement au service au service des nazis, dès l’entrée des troupes dans Paris ? Les défections vont se compter sur les doigts d’une seule main...
Est-il nécessaire de rappeler le rôle central et décisif de cette police parisienne dans la traque et l’arrestation des Juifs et en particulier les 16 et 17 juillet 1942, avec la rafle au petit matin dans Paris et toute la région parisienne de plus de 13.000 Juifs, hommes, femmes, enfants et vieillards, y compris les grabataires ?
Faut-il rappeler les ratonnades durant la guerre d’Algérie ? Les dizaines d’Algériens assassinés à Paris et des centaines d’autres, jetés à la Seine, par les flics parisiens, alors qu’ils manifestaient pacifiquement dans Paris, pour protester contre un couvre-feu discriminatoire, le 17 octobre 1961 ?Faut-il également lui rafraîchir la mémoire sur les 9 morts de Charonne, le 8 février 1962, étouffés et massacrés par la police à coup de grilles d’arbres, alors qu’ils étaient coincés dans l’escalier de la station de métro dont l’issue était fermée ?
Faut-il rappeler le déchainement gratuit des CRS en mai-juin 1968 ? Faut-il encore rappeler les tirs tendus de gaz lacrymogènes et l’œil perdu par Richard Deshayes en 1971 ?
Faut-il rappeler les charges et les violences gratuites contre les cortèges lycéens des années soixante-dix ? Et les contrôles au faciès ? Et le harcèlement permanent des jeunes dans les cités ?
Faut-il évoquer l’assassinat de Makomé M’Bowolé au commissariat des Grandes Carrières, le 6 avril 1993, tué d’une balle à bout portant alors qu’il était menotté sur une chaise ? Et le plaquage ventral de Lamine Dieng, le 17 juin 2007 et, plus récemment, la mort de Adama Traoré, dans des circonstances analogues ? La mort par étouffement du coursier Cédric Chouviat, le 3 janvier dernier, à Paris ? Et Gabriel D. adolescent de 14 ans, salement amoché à coups de pieds dans le visage à Bondy dans la nuit du 25 au 26 mai, après son interpellation ?
Et, hélas, pour ne pas finir, les nombreuses affaires qui se sont déroulées durant la mobilisation des Gilets jaunes et ses innombrables mutilés à vie ?
Et durant le confinement, comme à l’Ile-Saint-Denis, où le racisme a été à son comble ? Où, comme à Béziers, où la milice néo-fasciste qui sert de police municipale a tué, par plaquage ventral, un SDF qui ne lui revenait pas ? Et puis toutes les informations qui nous sont parvenues sur ces réseaux « sociaux » accessibles uniquement aux membres des forces de l’ordre où se déchaînent le racisme et la testostérone. Quand il y a près de 8.000 abonnés à un seul de ces réseaux, on ne peut plus parler de cas isolés ou de brebis galeuse. C’est tout le système qui est en gangréné.
Alors, oui, tout cela doit changer. Assez de salissures dont les forces de police sont seules responsables. Le préfet Lallement est, à n’en pas douter, un digne successeur du préfet Papon.
Les policiers et les gendarmes ne sont pas des justiciers.
Les sévices corporels ont été supprimés lors de la révolution française de 1789. La peine de mort a été abolie en 1981.
Pas de vérité, pas de paix ! Pas de justice, pas de paix ! Laissez-nous respirer !
Le combat de Maurice continue.
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