Le 5 avril 2011 avait lieu devant le tribunal correctionnel de Paris le procès d'un agriculteur qui, pour avoir crié Casse-toi pov’con ! à Nicolas Sarkozy, au salon de l’Agriculture, le 19 février 2011, était poursuivi pour outrage au président de la République. Cette personne ayant fait le choix de garder l’anonymat, le CODEDO ne s'est pas attardé sur les circonstances et les motivations de son geste, et n'a pas cherché à médiatiser cette affaire… Sachez seulement qu'il a été relaxé fin mai 2011.
Cette nouvelle affaire est l'occasion de faire le point sur la résurgence du délit d'offense au président de la République, en sommeil depuis 35 ans et remis au goût du jour par Sarkozy, et de rappeler comment cette situation absurde et ubuesque a été rendue possible par les obsessions répressives de Sarkozy et la façon très infantile dont il assume ses fonctions. [mise à jour le 25 janvier 2016]
CASSE-TOI POV'CON PRIMAL (ET PRIMAIRE) 23 février 2008. Salon de l'Agriculture. Nicolas Sarkozy lance à un visiteur qui refuse de lui serrer la main : « Casse-toi pov’ con! »
28 août 2008. Visite de Sarkozy à Laval. Hervé Éon brandit une pancarte CASSE-TOI POV’ CON! Plainte du parquet. La justice le condamne à 30 € d’amende avec sursis. La cour d’appel d’Angers confirme le verdict. L’affaire est portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui demande à la France de fournir des explications pour septembre 2011. Cela conduira à l'abrogation, le 23 juillet 2013, du délit d’offense au chef de l’État.
Juillet 2008. Procès de Maria Vuillet (poursuivie pour outrage par le sous-préfet d’Ile-de-France, relaxée). Création du CODEDO (Collectif pour une dépénalisation du délit d’outrage). Lancement d’une pétition demandant la dépénalisation du délit d’outrage et l’abrogation du délit d’offense au président de la République.
19 novembre 2008. Le sénateur Jean-Luc Mélenchon dépose une proposition de loi visant à abroger le délit d’offense au président de la République.
3 juillet 2009. Patrick Levieux, poursuivi (pour tapage diurne) pour avoir crié SARKOZY, JE TE VOIS ! dans la gare Saint-Charles de Marseille lors d’un contrôle d’identité « musclé », est relaxé par le tribunal. Il explique ici comment il a médiatisé son geste en utilisant les ficelles du « story-telling ».
UNE JUSTICE A GEOMETRIE VARIABLE
28 janvier 2010. À l’invitation d’un mystérieux Fernand Buron prétendant être le « pov’con » du salon de l’Agriculture, 10 personnes se retrouvent devant l’Élysée pour souhaiter l’anniversaire du président. L’un d’eux, Jean-Jacques Reboux, brandit une pancarte CASSE-TOI POV’CON ! et une autre SARKOZY JE TE VOIS TROP. Il est interpellé et mis en garde à vue pour outrage au président de la République. Le parquet classe l’affaire en août 2010, estimant que « l’examen de la procédure n’a pas permis de caractériser suffisamment l’infraction » (alors qu'il s'agissait exactement de la même infraction que Hervé Éon, constatée, qui plus est, sous les fenêtres de la présidence).
15 février 2010. Remise à l’Élysée, à la Chancellerie et au ministère de l’Intérieur d’une pétition, signée par 20.000 personnes, demandant la dépénalisation du délit d’outrage et l’abrogation du délit d’offense au président de la République.
1er février 2011. Un professeur du lycée français du Caire mani-festant son soutien au peuple égyptien avec une banderole CASSE-TOI POV’CON! est rapatrié en France à la demande du ministère des Affaires étrangères. Il ne sera pas poursuivi pour offense à chef d’État étranger, le délit ayant été abrogé en mars 2004.
14 février 2011. Une dépêche de l’AFP annonce la parution de Casse-toi pov’ con!, le livre-interview du « pov’con » du salon de l’Agriculture, Fernand Buron. Une seconde dépêche affirmera le lendemain qu’il s’agit peut-être d’un canular (ce qui ne change strictement rien à la problématique et au sens profond de la démarche…).
LES POV’CONS SE REBIFFENT
19 février 2011. Salon de l'Agriculture de Paris. Un visiteur crie «Casse-toi pov’con! » à Nicolas Sarkozy, qui s’apprête à quitter le salon après avoir participé à une table ronde avec des syndicats agricoles. Interpellé par les services de sécurité, il est placé en garde à vue pendant 6 heures et convoqué devant le tribunal correctionnel de Paris en avril, pour outrage au président de la République. Il sera relaxé fin mai 2011.
23 février 2011. 55 personnes (12 selon l'envoyée spéciale des Inrocks, arrivée… à la fin de la manif!) se réunissent à proximité de l’Élysée, avec l’autorisation de la préfecture de police, pour un apéro Casse-toi pov’con! [vidéo sur La Télé Libre] en compagnie d’un homme qui prétend être Fernand Buron. Au cours de cette manifestation, des pancartes CASSE-TOI POV’CON! et SARKZOY DÉGAGE! sont brandies. Aucun des manifestants n’a été interpellé ni poursuivi. L’auteur du livre Casse-toi pov’con, pas plus que son éditeur, n’ont à ce jour fait l’objet de poursuites pour offense au président de la République.
30 juin 2011. Lors d'une visite de Sarkozy à Brax (Lot-et-Garonne), Hermann Fuster déjoue la vigilance des services de sécurité et agresse physiquement le président. Il sera condamné à 6 mois de prison avec sursis.
23 juillet 2013. Le Parlement français abroge le délit d’offense au chef de l’État, suite à la plainte déposée par Hervé Eon auprès de la Cour européenne des droits de l’Homme, qui exigera de la France qu’elle se débarrasse de ce délit.
25 janvier 2016. Dans son livre "La France pour la vie", Nicolas Sarkozy déclare, à propose de l’insulte Casse-toi pov’con ! adressée à un homme dont on sait juste qu’il se prénomme Albert [et non pas Fernand Buron] : "Ce fut un erreur, car il avait le droit de penser ce qu’il disait, même s’il n’avait pas à me le dire ainsi. Mais en lui répondant, je me suis mis à son niveau. Ce fut une bêtise que je regrette encore aujourd'hui. En agissant ainsi, j'ai abaissé la fonction présidentielle."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire